Une dette publique construite, voire illégitime ?

lundi 15 septembre 2014, par Robert Joumard *

« Depuis plus de trente ans, nous vivons au-dessus de nos moyens », déclarait, après de nombreux autres, le Premier ministre Manuel Valls le 16 avril 2014 au journal télévisé de France 2.
Le discours dominant sur la dette publique est simple : trop élevée, elle est le fait d’un État dépensier dont il faut absolument réduire la voilure pour ne pas en transmettre le fardeau aux générations futures. L’austérité et la privatisation rampante du service public en sont les conséquences politiques.
L’importance de l’argument dette justifie qu’on analyse celle-ci de près. Une première évaluation par le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique [1] concluait que 59 % de la dette publique de fin 2012 provenait des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêts excessifs. Nous actualisons ici cette étude en l’enrichissant [2], afin d’évaluer ce discours dominant.

« Depuis plus de trente ans, nous vivons au-dessus de nos moyens », déclarait, après de nombreux autres, le Premier ministre Manuel Valls le 16 avril 2014 au journal télévisé de France 2.
Le discours dominant sur la dette publique est simple : trop élevée, elle est le fait d’un État dépensier dont il faut absolument réduire la voilure pour ne pas en transmettre le fardeau aux générations futures. L’austérité et la privatisation rampante du service public en sont les conséquences politiques.
L’importance de l’argument dette justifie qu’on analyse celle-ci de près. Une première évaluation par le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique [3] concluait que 59 % de la dette publique de fin 2012 provenait des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêts excessifs. Nous actualisons ici cette étude en l’enrichissant [4], afin d’évaluer ce discours dominant.

1. Du bon usage des statistiques

Portons tout d’abord un regard critique sur quelques outils habituellement utilisés pour parler de dette publique.

Exprimer un stock de dette en pourcentage d’une richesse créée annuellement (un flux) est incohérent. Une dette particulière exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (ou PIB) n’a donc guère de sens ; l’évolution dans le temps de cette même dette en % du PIB est par contre plus significative, car le rapport au PIB permet de tenir compte de l’évolution importante au cours des années de la richesse créée. Il serait cependant préférable de mesurer le coût de la dette (intérêts et amortissement) en pourcentage des recettes. Or, l’évolution de la dette est assez différente selon l’unité de mesure : pour la dette de l’État (dont nous avons les données d’amortissement depuis 1993), la dette en pourcentage du PIB a augmenté d’environ 90 % en 20 ans, tandis que le coût de la dette rapporté aux recettes n’a augmenté que d’environ 50 %.

Il est encore plus manipulatoire d’exprimer les recettes ou les prélèvements obligatoires des organismes publics en pourcentage du PIB – ils flirtent avec les 50 %, car cela laisse croire que les administrations publiques consommeraient la moitié de la richesse produite, n’en laissant que l’autre moitié aux autres opérateurs, ce qui n’a aucun sens : les recettes des entreprises privées représentent plusieurs fois le PIB, sans qu’on puisse en tirer de conclusion.

La pression ou la part des administrations publiques dans l’activité devrait être mesurée par la part du PIB attribuée aux administrations publiques. Cette part, qui s’est stabilisée à 18 % depuis une quarantaine d’années, est beaucoup moins accusatrice pour les administrations publiques que l’extraordinaire 50 % du PIB, qui sert manifestement des objectifs idéologiques, loin de toute cohérence méthodologique.

2. État de la dette publique française

La dette publique française est la dette des administrations centrales (État et autres administrations centrales comme le CNRS, etc.), des administrations locales (communes, départements, régions, syndicats mixtes, etc.), et de la Sécurité sociale par le biais de ses différents organismes.

Les données de l’Insee (en base 2010) montrent que la dette publique est essentiellement la dette de l’État, que l’on regarde la dette elle-même, le déficit ou le taux d’endettement : il est responsable en 2013 de 79 % de la dette publique, les autres administrations centrales de moins de 1 %, les administrations locales de près de 9 % et la Sécurité sociale de près de 11 %. L’augmentation très forte du taux d’endettement public depuis 1978 est due principalement aux administrations centrales – dont la dette a augmenté de 60 points de PIB, et secondairement à la Sécurité sociale dont la dette a augmenté de 9 points de PIB.

Le lien de cause à effet souvent fait dans la presse entre l’augmentation des prélèvements obligatoires et l’augmentation de la dette publique – deux augmentations tout à fait réelles – n’a aucune justification objective. En effet, l’augmentation des prélèvements obligatoires est due exclusivement à l’augmentation des prélèvements sociaux (salaires indirects), les prélèvements des administrations centrales et locales restant globalement stables, voire légèrement décroissants comme le montre la Figure 1. En parallèle, l’augmentation de la dette est pour l’essentiel supportée par l’État, dont les recettes diminuent.

Figure 1 : Évolution des prélèvements obligatoires par type d’administration, en pourcentage du PIB (données Insee).

Coût de la dette de l’État

Traditionnellement, le coût de la dette publique est apprécié au travers des intérêts versés aux créanciers. Ainsi, en moyenne depuis 1978, 4,8 % des prélèvements obligatoires vont aux créanciers des administrations publiques pour payer des intérêts, tandis que 12,1 % des seuls prélèvements obligatoires de l’État vont à ses créanciers, soit respectivement 48 et 40 Mds € en 2013.

Tout emprunt demande en outre à être remboursé en fin de période de prêt. Mais les chiffres d’amortissement ne sont guère accessibles, hors ceux des emprunts de l’État depuis 1993, auprès de l’Agence France Trésor. Ces derniers montrent que le remboursement du capital est pour l’État assez nettement supérieur au coût des intérêts : en moyenne de 1993 à 2013, si ces derniers représentent 2,3 % du PIB, le remboursement du capital en représente 3,9 %. Le coût de la dette de l’État est donc en moyenne de 6,3 % du PIB, soit 132 Mds € par an si l’on prend en compte le PIB 2013 : cf. Figure 2. Cette somme correspond au coût de près de 2,9 millions d’emplois (prenant en compte la moyenne des salaires directs et des salaires indirects qui est de 45 k€/an en 2013, mais sans tenir compte du coût d’équipement des postes de travail).

Figure 2 : Coût de la dette de l’État en pourcentage du PIB (données Insee et AFT ; calculs par nos soins).

3. Mécanismes de la dette

La dette publique est l’argument de fond des néo et sociaux-libéraux qui justifierait les politiques d’austérité et la diminution du rôle de tout ce qui est géré collectivement au profit de la gestion privée.

Au-delà de l’argumentation superficielle, qu’en est-il ? L’État dépense-t-il de plus en plus ? Quel est le rôle des cadeaux fiscaux dans le déficit public et finalement dans la dette ? Quel impact a la fraude non combattue ? Quel est l’effet de la crise économique depuis 2008 sur les recettes publiques et sur la dette ? Plus généralement, quels mécanismes sont à l’origine de la dette publique ?

Évolution des dépenses et recettes

D’un côté, la Sécurité sociale a vu ses dépenses augmenter un peu plus vite que ses recettes en raison de la crise économique, mais le différentiel reste faible, de 0,4 point de PIB en tendance sur le long terme entre les dépenses hors intérêts et les recettes. En parallèle, les dépenses des administrations locales suivent de très près leurs recettes.

D’un autre côté, la situation de l’État est toute différente : cf. Figure 3. Ses dépenses baissent de manière très nette : depuis 1978, de deux points de PIB pour les dépenses de l’État intérêts compris, et même de trois points pour ses dépenses hors intérêts – pour le service public, soit de plus de 1/7 en valeur relative. Ses recettes sont par contre en chute libre, accusant une baisse de cinq points de PIB en 35 ans, ce qui correspond au coût de plus de deux millions d’emplois. La hausse des recettes des administrations locales ne compense plus la chute des recettes de l’État depuis une vingtaine d’années (cf. Figure 1 pour la partie prélèvements obligatoires). La croissance de la dette est donc due pour l’essentiel à la chute extraordinaire des recettes de l’État et plus particulièrement des impôts et taxes prélevés à son bénéfice. Elle n’est en rien due à des dépenses trop élevées, inconsidérées.

Figure 3 : Évolution des recettes et dépenses de l’État en pourcentage du PIB (données Insee et AFT ; calculs par nos soins).

Quatre mécanismes bien documentés

Premièrement, cette chute des recettes de l’État est notamment due aux nombreux cadeaux fiscaux au profit des plus riches et des entreprises, décidés depuis 2000, évalués précisément par le rapport Carrez [5] de 2000 à 2009. Nous avons extrapolé ses chiffres de 2010 à 2013 en considérant une pression fiscale constante. Ces cadeaux fiscaux contribuent directement pour 66 Mds € au déficit de 2013. En leur absence, le budget de l’État aurait même été en excédent certaines années : cf. Figure 4.

Figure 4 : Déficits budgétaires réel et hors cadeaux fiscaux en pourcentage du PIB (données Insee, Erreur : source de la référence non trouvée ; calculs par nos soins).

Deuxièmement, les paradis fiscaux sont à l’origine de 60 à 80 Mds € de déficit selon le rapport Bocquet et Dupont-Aignan [6] (p. 20) qui incluent l’optimisation fiscale des entreprises et environ 40 Mds € de fraude fiscale permise par le secret bancaire. Zucman [7]( p. 57) a évalué la fraude fiscale permise par le secret bancaire pour les seuls particuliers depuis 1970 : elle est croissante et atteint 17 Mds € en 2013.

Troisièmement, toute crise conduit mécaniquement à un creusement des déficits, puisque les dépenses tendent à continuer sur leur lancée, tandis que les recettes sont directement affectées par le recul de l’activité. La chute du PIB à partir de 2008 a donc eu un effet sur le déficit public. Les recettes publiques s’établissent en moyenne depuis 20 ans à 49,9 % du PIB, et on estime, sur la base de l’observation des récessions antérieures, que cette relation est aussi vraie marginalement. On fait donc l’hypothèse qu’un point de PIB perdu du fait de la crise se traduit par une perte de recettes publiques d’un demi-point de PIB.

Pour estimer la perte de PIB du fait de la crise depuis 2008, nous considérons son évolution en euros constants qui est assez linéaire de 1985 à 2007 (avant la crise) et en extrapolons la droite de régression au-delà. La moitié de la chute de PIB ainsi calculée est une perte de recettes publiques due à la crise économique. Essentiellement due aux errements intéressés de la sphère financière, la crise économique et financière contribue ainsi pour 77 Mds € au déficit public.

Les impacts de ces trois mécanismes sur les recettes publiques peuvent être combinés car ils n’ont pas ou peu d’effets croisés. D’une part, l’augmentation des cadeaux fiscaux depuis 2000 ne se traduit pas par une évasion fiscale plus forte, alors qu’on aurait pu croire que la disponibilité de ressources nouvelles vienne alimenter les paradis fiscaux. La croissance de l’évasion fiscale est même un peu moins soutenue ces dernières années. On peut donc en déduire qu’il n’y a pas de lien entre cadeaux fiscaux et évasion fiscale des particuliers, et donc que ces deux mécanismes du déficit et de la dette publique sont additifs. D’autre part, il est douteux que la crise ait en elle-même un impact important sur les cadeaux fiscaux ou l’évasion fiscale pour les plus riches. On peut donc considérer que ces trois mécanismes sont additifs, cumulables. Nous les avons donc cumulés.

On voit Figure 5 que le mécanisme le plus important vis-à-vis du déficit public est constitué des cadeaux fiscaux ; l’impact de la crise est presque aussi important mais de courte durée, tandis que l’évasion fiscale des particuliers est beaucoup plus faible, mais sur une longue durée. Notons que réintégrer ces recettes perdues aux recettes publiques réelles revient à annuler la chute des recettes publiques observée depuis 2000 : l’évolution des recettes reconstituées depuis 2000 est dans la droite ligne de l’évolution réelle antérieure.

Figure 5 : Recettes perdues des administrations publiques, dues aux cadeaux fiscaux, à l’évasion fiscale des particuliers permise par le secret bancaire, et à l’effet de la crise depuis 2008 (données Insee, Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée ; calculs par nos soins).

Quatrièmement, la puissance publique ayant des recettes proportionnelles, toutes choses égales par ailleurs, au PIB, un taux d’intérêt inférieur au taux de croissance du PIB (exprimé en euros courants) permet à la puissance publique de rembourser ses emprunts, car elle voit ses revenus augmenter plus vite que ce qu’elle a à payer. Quand le taux d’intérêt est au contraire supérieur au taux de croissance, il y a un emballement des emprunts publics pour payer ces intérêts trop élevés par rapport aux recettes publiques : c’est ce qu’on appelle l’effet boule de neige, quand la dette est mécaniquement augmentée pour payer les intérêts. Or, le taux d’intérêt de la dette a été très inférieur au taux de croissance jusqu’en 1984, situation favorable au débiteur, puis, à partir de 1985, il lui est presque continuellement supérieur et parfois de manière très prononcée.

La dette réelle diminuée de cet effet boule de neige, c’est-à-dire la dette publique que nous aurions eue si le taux d’intérêt n’avait jamais dépassé le taux de croissance, aurait été très nettement inférieure à la dette réelle, la différence étant pour 2013 de 528 Mds €. La dette exprimée en pourcentage du PIB serait même restée assez stable autour de 45 % pendant une douzaine d’années autour de 2000, et n’aurait augmenté ensuite qu’en raison de la crise économique et surtout financière que nous subissons depuis 2008.

Impact des mécanismes du déficit sur la dette publique

Nous avons modélisé l’impact de ces pertes de recettes fiscales et sociales sur la dette (cf. Figure 6), qui est double : d’une part le déficit direct induit doit être comblé chaque année par des emprunts, et d’autre part ces emprunts sont générateurs d’intérêts à couvrir eux aussi par des emprunts (méthodologie détaillée dans Erreur : source de la référence non trouvée). Ces trois mécanismes – cadeaux fiscaux, évasion fiscale des particuliers et effet de la crise – sont respectivement responsables de 842, 452 et 306 Mds € de dette publique en 2013. L’effet boule de neige, appliqué non plus à la dette réelle, mais à la dette réduite en l’absence de cadeaux fiscaux, d’évasion fiscale et d’effet de la crise économique et financière, a un impact sur la dette publique de 403 Mds €.

Figure 6 : Impact de l’évasion fiscale des particuliers permise par le secret bancaire, des cadeaux fiscaux, de la crise depuis 2008, et des taux d’intérêt élevés (effet boule de neige) sur la dette publique exprimée en % PIB (données Insee, Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée ; calculs par nos soins).

Les quatre mécanismes modélisés ici sont donc responsables globalement de 2003 Mds € de dette publique fin 2013, alors que celle-ci n’est que de 1940 Mds €. Ils expliquent donc la totalité de la dette publique.

Ces quatre mécanismes sont cependant loin d’être les seuls mécanismes des déficits publics et donc de la dette publique : ils contribuent annuellement au déficit public pour 165 Mds € environ, mais différentes études chiffrent à près de 175 Md € le déficit annuel supplémentaire dû à d’autres mécanismes qu’il ne nous a pas été possible de modéliser aussi finement faute de séries longues de données : cf. Tableau 1. La prise en compte de ces autres mécanismes renforcerait nettement notre conclusion, bien au-delà d’éventuelles surestimations. L’annulation des mécanismes de perte de recettes et d’augmentation du coût de la dette ou d’une partie d’entre eux permettrait donc sans équivoque d’annuler la dette publique.

Tableau 1 :Impact des mécanismes de perte de recettes publiques ou d’augmentation du coût de la dette publique en Md €.
Mécanisme de perte de recettes publiques ou de surcoût de la dette Perte annuelle de recettes ou augmentation du coût de la dette Montant pris en compte dans nos estimations
réf. détail total détail total
Exonérations patronales de cotisations sociales  Erreur : source de la référence non trouvée 6,5 245 à 275 non 83
Impôt sur les bénéfices des sociétés et crédit d’impôt recherche Erreur : source de la référence non trouvée 12,1 66
Modification de la taxe professionnelle Erreur : source de la référence non trouvée 14,4
Baisses de TVA Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée 9,7
Réduction des impôts des plus riches  Erreur : source de la référence non trouvée 15,6
Autres baisses d’impôts pour les ménages Erreur : source de la référence non trouvée 6,2
Niches fiscales  Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée 72 non
Paradis fiscaux  Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée 60 à 80 non
Fraude sociale Erreur : source de la référence non trouvée, Erreur : source de la référence non trouvée 20 non
Fraudes fiscales dont fraude permise par le secret bancaire  Erreur : source de la référence non trouvée 60 à 80 17
Effet boule de neige  ? 83 ? 5 82
Crise économique et financière  ? 77
Taux d’intérêts prohibitifs des emprunts toxiques des coll. locales Erreur : source de la référence non trouvée 1 non
Total 340 165
Tableau 2 : Comparaison de l’impact sur la dette publique de 2012 (Mds €) de quatre mécanismes de la dette publique tel que calculé par le CacErreur : source de la référence non trouvée avec nos estimations.
Mécanismes du déficitselon le CacErreur : source de la référence non trouvéeselon nos estimations
(Données Insee en base...) (2005) (2010)
Cadeaux fiscaux 488 756
Effet boule de neige 589 496
Cadeaux fiscaux + boule de neige 1077 1135
Évasion fiscale des particuliers 406 424
Crise depuis 2008 450 223
Cumul des 4 mécanismes (1933) 1792

L’audit de la dette publique française effectuée pour 2012 par le CacErreur : source de la référence non trouvée donne des résultats comparables (cf. Tableau 2), mais avec quelques différences, qui peuvent s’expliquer par différentes raisons :

  • Tout d’abord les calculs du Cac sont basés sur des données en base 2005, les nôtres en base 2010, ce qui peut expliquer quelques pour cent de différences.
  • Les cadeaux fiscaux ne sont pas estimés de la même manière : le Cac considère des recettes de l’État qui auraient représenté une part constante du PIB (20 %) de 1997 à 2007, cette part étant ensuite modulée pour tenir compte de la récession (sans autre précision) ; nous avons considéré les cadeaux fiscaux tels que calculés par le rapport Carrez jusqu’en 2009, puis extrapolés en considérant un taux constant de prélèvements obligatoires de l’État.
  • L’effet boule de neige est simulé par le Cac avec un taux d’intérêt hors inflation qui ne dépasse pas 2 %, tandis que nous simulons un taux d’intérêt qui ne dépasse pas le taux de croissance.
  • Pour le Cac, l’impact des cadeaux fiscaux et l’impact de l’annulation de l’effet boule de neige sont additifs. Pour nous, l’effet boule de neige est calculé sur une dette diminuée de l’impact des cadeaux fiscaux ; l’impact cumulé est donc inférieur au cumul des impacts.
  • Le Cac s’interdit d’ajouter les impacts des quatre mécanismes, pour des questions de méthode qui ne sont pas claires. Nous arrivons néanmoins à un résultat comparable à la somme de leurs impacts.

Conclusion

La dette publique est le fruit de mécanismes qui ont fait l’objet de décisions politiques ou d’absence de décision politique :

  • les baisses d’impôts des ménages et des entreprises ainsi que les niches fiscales,
  • ni les paradis fiscaux ni le secret bancaire n’ont été combattus, comme le montrent les bien timides propositions actuelles ; ils sont notamment la conséquence de la dérèglementation néolibérale de l’économie ;
  • la fraude fiscale n’a guère été combattue, les syndicats du ministère des finances ne cessant d’ailleurs de le dénoncer,
  • les taux d’intérêt prohibitifs qui sont la source de l’effet boule de neige sont la conséquence de l’interdiction pour la puissance publique d’emprunter auprès de sa banque centrale, inscrite dans le Traité de Maastricht et repris dans les traités ultérieurs de l’Union européenne,
  • les taux d’intérêts prohibitifs des emprunts toxiques des administrations locales sont le fruit de la dérèglementation du secteur et de la privatisation de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales,
  • la crise économique et financière est aussi le fruit de la dérèglementation de l’économie (dite ’libéralisation’),
  • enfin la fraude sociale est de moins en moins combattue, par le biais de multiples décisions, comme le dénoncent les syndicats de l’Inspection du travail.

La dette publique n’est donc due, toutes choses égales par ailleurs, qu’aux différents mécanismes mis en place ou non combattus pour réduire les recettes publiques ou augmenter le coût de cette dette, au bénéfice d’une petite minorité de la population, et non à d’autres phénomènes liés à la dépense publique. Elle n’est en rien due à des dépenses publiques excessives. C’est donc une dette construite.

Nos modélisations ne prennent cependant pas en compte d’éventuels effets croisés entre les différents mécanismes, qui nous paraissent non avérés a priori. Elles ne prennent pas en compte non plus les effets rétroactifs des annulations de cadeaux fiscaux, d’évasion fiscale ou des intérêts trop élevés sur l’activité économique. Ils peuvent être positifs, et on aurait alors une augmentation de l’activité économique et donc des recettes publiques, ce qui contribuerait à l’élimination de la dette et renforcerait notre conclusion. Ils pourraient être négatifs et contribuer à une baisse de l’activité économique et donc augmenter la dette elle-même, fragilisant notre conclusion. Cette dernière hypothèse revient à considérer que les mécanismes socialement égalitaires sont générateurs de récession économique, et qu’au contraire les mécanismes socialement inégalitaires, comme le sont tous les mécanismes de la dette que nous avons étudiés, sont générateurs de croissance économique. L’évolution sociale et économique des dernières décennies invalide plutôt cette dernière hypothèse.

La dette publique est donc due à de la fraude (évasion fiscale, fraude fiscale et sociale), à des transferts en faveur des plus riches non justifiés par l’intérêt général (cadeaux fiscaux, intérêts excessifs), enfin à la crise économique et financière créée par les pratiques spéculatives des milieux financiers à leur seul profit et au détriment du plus grand nombre : si est posée comme illégitime une dette contraire à la loi ou à la politique publique, injuste, inadaptée ou abusive [8], nous avons là des arguments forts pour déclarer la dette publique française illégitime.

Cependant, on voit bien que les critères d’illégitimité de la dette publique sont politiques et sont donc de la responsabilité de la collectivité citoyenne, et non de la responsabilité de tel ou tel auteur, qui est légitime pour avancer des arguments, non pour trancher sur le caractère illégitime ou non de la dette.

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