Qu’est ce qu’un commun ? Quelles perspectives le mouvement des communs ouvre-t-il à l’alternative sociale ?

Quatre thèses pour nourrir un débat en cours
mardi 6 janvier 2015, par Benjamin Coriat *

Le présent texte n’a d’autre objet que d’aider à la clarification d’un débat devenu urgent, sur ce que sont les communs (ou « le » commun) et ce qu’ils peuvent apporter à la réflexion en cours sur les alternatives. Cette clarification me paraît d’autant plus urgente que – bien étrangement – les communs sont devenus une « mode ». Plus aucun chercheur en sciences sociales (ou presque) qui ne s’y réfère, comme à un objet dont l’importance ou la signification « va de soi ».

Pour m’être (avec de nombreux chercheurs associés au projet) depuis longtemps confronté à l’étude des communs [1], je pense au contraire que rien, à leur propos, ne va de soi. Et que tous, nous courons le danger intellectuel majeur de prendre des vessies pour des lanternes, et les communs pour ce qu’ils ne sont pas. C’est donc dans l’esprit de nous prémunir contre ces dangers, particulièrement celui de perdre ce que le mouvement des communs apporte de nouveau et d’immense à nos réflexions, que ces pages ont été écrites.

Pour donner un peu de radicalité à mon propos, j’ai choisi de présenter les choses sous la forme de « thèses ». Si le procédé peut être discuté, il présente au moins cet avantage que les points sensibles sont clairement mis en évidence et assumés. La suite du débat ne pourra donc qu’en être clarifiée.

Thèse n°1 : Définitions, conjoncture et conjectures

Si l’on veut éviter de nourrir la cacophonie prévalant sur le sujet, plus que jamais, être précis et définir ce dont on parle, lorsqu’il s’agit de « commun(s) », est essentiel.

En particulier, une série de catégories : commun (au singulier), communs (au pluriel), bien(s) commun(s), bien(s) public(s), bien public global, bien commun de l’humanité… doivent être définis avec la plus grande précision possible et ne jamais être confondus.

Ils recouvrent des réalités différentes, sont portés par des acteurs chaque fois spécifiques. Ils relèvent de dynamiques sociales distinctes et chaque fois particulières dans lesquelles ils sont insérés.

Invoquer le « commun » ou, plus elliptiquement encore, user du nom singulier de « commun » (Dardot et Laval, 2014) [2] en prétendant ainsi recouvrir et unifier mille et une réalités essentiellement différentes relève, à mon sens, d’une méthodologie qu’on peut qualifier de « hors-sol » et qui pour le moins mérite d’être discutée.

C’est la raison pour laquelle, je pense qu’il est indispensable, avant toute généralisation, de bien partir de ce que sont les communs et de ce que livrent l’expérience empirique et les réflexions auxquelles elles ont donné lieu, concernant leur histoire comme la dynamique qui les anime.

Thèse n°2 : Les deux sources et les deux origines du mouvement actuel sur les communs

Il faut partir de ce que l’on connaît, de ce sur quoi travaux empiriques et élaborations théoriques se sont accumulés et permettent l’intelligence (nature et dynamique) des phénomènes étudiés.

Au-delà de la littérature, qui depuis Rome et les res communes n’a cessé d’enfler sans faire véritablement en rien progresser l’action sociale ou politique, (ces jeux rhétoriques ne sont pas propres à la discussion sur les communs, ils encombrent hélas, des rayons entiers de la prétendue réflexion philosophique), il y deux et deux seulement terrains de référence solides et éprouvés sur lesquels travaux et réflexions se sont accumulés. C’est d’eux qu’il faut partir si l’on veut saisir ce qu’il y a de vraiment nouveau dans la pratique du mouvement social qui s’est nouée autour des communs. C’est à partir de là, – et non en en faisant abstraction ou en prétendant les « subsumer » dans une catégorie abstraite, celle de « commun » (au singulier) par exemple – que l’on peut construire la pensée politique dont nous avons besoin.

Ces deux terrains de références sont i) les travaux conduits sur les communs à partir d’E. Ostrom [3] et l’école d’Indiana [4] d’un côté, y compris dans ses développements les plus récents sur les communs informationnels et de la connaissance (l’apport de Hess est ici essentiel [Hess et Ostrom, 2007)] ; ii) les travaux et réalisations initiés par Stallman (et la grande et magnifique tribu des hackers qui l’a accompagné…) autour du logiciel libre, de l’open source et des creative commons, – qui incluent comme partie spécifique les travaux autour du droit d’auteur et de la notion de domaine public [5].

À partir de ces deux sources ou origines du mouvement des communs qui constituent le terrain véritablement solide sur lequel bâtir, il est possible de commencer à avancer quelques thèses positives pour décrire la réalité matérielle et intellectuelle que constitue le phénomène en développement autour de la notion de commun(s).

Les thèses 3 et 4 présentent un premier bilan condensé de ce que ces travaux et réflexions sur les communs permettent de mettre en évidence.

Thèses 3 : Du commun en général, des communs en particulier

  • a. Le (ou les) commun(s) – au sens strict, c’est-à-dire pleinement spécifié(s)- renvoie(nt) à trois séries de déterminants et constituants, qui permettent une définition rigoureuse de la notion de commun.
    Un commun n’existe que sous la triple existence [6] :
    • de la « ressource » mise en commun et partagée (que celle-ci soit matérielle : un lac et ses ressources halieutiques…, ou informationnelle : une base de données et les informations qu’elle contient…) ;
    • du mode d’accès à la ressource, et des règles de son partage (et/ou des bénéfices qui en sont tirés) ; est ici visée la structure des droits et obligations des « commoners » [7] sur la ressource ; ou, pour le dire en termes plus précis, est visé ici le faisceau de droits (« bundle of rights  ») noué autour de la ressource partagée et qui lie les ayant droits entre eux autour d’un système (en général) complexe de droits et d’obligations réciproques, que ceux-ci résultent de l‘usage (et/ou du droit coutumier), de la loi ou du contrat ;
    • du mode de gouvernance de la ressource : que cette gouvernance s’effectue par simple respect de traditions ou conventions ou qu’elle s’exerce à travers des comités et de la délibération explicites, elle a pour fonction d’assurer le respect des droits et obligations des insiders (commoners) comme des outsiders (personnes et communautés n’ayant pas a priori de droits sur la ressource [8]). Les modes de gouvernance permettent aussi de trancher dans les conflits d’intérêts lorsque ceux-ci viennent à se manifester et menacent l’existence du commun.

En ce sens, et il est essentiel de prendre toute la mesure de cette proposition : qu’il n’y a pas de commun sans commoners, c’est-à-dire sans action collective. C’est au demeurant celle-ci (l’action collective menée par les commoners) qui est en général l’élément principal qui définit tout à la fois les droits noués autour du commun et son mode de gouvernance, et donc sa pérennité dans le temps.
Si l’un des attributs vient à manquer (en pratique, c’est en général le troisième : « une structure de gouvernance » identifiée, dont l’autorité est admise et qui dispose d’un pouvoir effectif de faire respecter le faisceau de droits, qui le plus souvent fait défaut), on n’a plus un « commun » au sens strict, mais « un bien commun » (par exemple, l’air, l’atmosphère, l’océan, qui sont des biens « partagés » sans être véritablement « gouvernés », cf. infra). Il n’est pas rare alors que s’applique cette fameuse « tragédie des communs » dénoncée il y a longtemps par Hardin, à propos de ce qu’il désigne faussement comme des « biens communs », et qui sont en fait des biens partagés mais « en libre accès » [9]. Ce qui, notons-le au passage, montre encore une fois toute l’importance de s’accorder sur la définition et la caractérisation des objets dont on parle.

Cette définition et caractérisation des communs rappelle et met en exergue un point central de la notion et de la théorie des communs. Il peut et doit être formulé comme suit :

  • b. Il n’ y a pas de communs sans distribution de droits de propriété. La question centrale des communs n’est évidemment pas celle de la nature de la ressource partagée, pas plus qu’elle n’est celle de « l’intentionnalité » des agents. La question centrale au cœur des communs est celle du faisceau de droits noué autour de la ressource, de sa gouvernance, et des conditions qui permettent son effectivité (« enforcement ».)

La caractérisation que l’on vient de donner de la notion de commun parle d’elle-même. Ce qui compte n’est pas le « bien » lui-même – sa « nature » importe peu –, mais le système des droits et obligations et de gouvernance de ces droits, auquel il donne lieu. Plus généralement, et qui ne voit cela ne voit rien de ce qu’apporte de spécifique le mouvement des communs, par rapport à d’autres mouvements sociaux qui se sont succédé dans l’histoire, la révolution apportée par les communs est une révolution qui a trait au droit de propriété. Le commun est à la fois une forme de résistance et une solution alternative à la représentation et à la pratique des droits de propriété entendus comme droits exclusifs du détenteur du droit [10], ce qui constitue l’alpha et l’oméga de qu’il faut bien désigner comme le droit « bourgeois » de propriété dont le code Napoléon (en France) est l’expression à la fois détaillée et concentrée.

De même, le commun ne relève pas de « l’intentionnalité » (ou pour employer une notion utilisée par Dardot et Laval, de « l’agir-commun ») mais de l’institution qui est faite des droits des commoners, lorsque l’action commune (qu’elle ait ou non d’emblée été animée par une telle « intentionnalité ») s’est muée en actes et en institutions qui garantissent l’existence effective d’un commun. Qui peut douter une minute que l’assaut du Palais d’Hiver (pour ne prendre que cet exemple) était motivé d’abord et avant tout par la volonté de mettre fin à la boucherie du front de l’Ouest et de partager la terre accaparée par le moujik qui spéculait sur la faim des peuples pour accroître encore le tas d’or sur lequel il était assis. L’histoire a montré que cette « intentionnalité » n’a guère pesé. Les formes de propriété (pourtant supposées « collectives ») et la nature des droits (attribués aux kolkhoziens) installés par la suite, ont rendu possible – ou n’ont pu prévenir – le retour de formes multiples d’accaparement et d’assujettissement.

Les communs (d’hier comme d’aujourd’hui) ont ceci en propre que la forme d’institutionnalisation des droits des commoners rend possible, pendant des périodes de temps qui peuvent être longues, le bénéfice de l’accès et du partage de la ressource à des communautés élargies de participants. C’est en cela – la nature et la protection des doits distribués – qu’ils apportent quelque chose de radicalement neuf.

  • c . Là est aussi, très exactement (l’attaque du droit de propriété conçu comme exclusif, et la recherche d’autres définitions et attributs du droit de propriété), le point de rencontre et de renforcement réciproque du mouvement autour du « libre » et du commun, déjà indiqués comme constituant les deux sources de la révolution en cours.

Il est remarquable d’observer (et ceci mérite certains approfondissements) [11] que c’est au même moment (fin des années 1980, début des années 1990) qu’Ostrom et Schlager (1992) d’un côté (première apparition de la notion de « faisceau de droits » dans la théorie des communs), Lessing et Stallman de l’autre (création de la licence GPL, du copyleft, et un peu plus tard des licences creative commons…),élaborent des solutions alternatives à la propriété, entendue comme droit « absolu » et « exclusif » du détenteur du droit. Il est non moins essentiel de comprendre que ces solutions ne consistent pas à nier le droit de propriété, mais à le définir d’une manière (plus ou moins) radicalement nouvelle pour lui donner des contenus visant à assurer non « l’exclusion » (des tiers autres que le détenteur du droit) mais au contraire pour permettre « l’inclusion » de différents individus et communautés au droit d’accéder au bien, d’en user, d’en tirer partie et bénéfice, voire de le modifier et de l’enrichir… Stallman, grand initiateur et défenseur si sourcilleux du « libre » qu’il est, (injustement) souvent présenté comme un véritable « ayatollah », est tout à fait explicite sur ce point quant il écrit par exemple :

« copyleft uses copyright law, but flits it over to serve the opposite of its usual purpose : instead of means of privatizing software, it becomes a mean of keeping software free  » (Stallman, 2002, p. 20)

Par cet extraordinaire tour de force, Stallman avec la licence GPL (General Public License) a, en y associant le copyleft, non seulement créé un domaine public inviolable, mais aussi un domaine public qui en permanence s’auto-enrichit. Le tout, non en niant le droit de propriété, mais en l’investissant pour le subvertir. Stallman est à l’origine de cette fantastique innovation sociale : par le moyen de contrats privés (des licences d’autorisation, les fameuses licences GPL), garantis par une institution créée pour cela (la Free Software Fondation), il crée du domaine public protégé, du domaine public où aucun free rider ne peut désormais opérer pour spolier les créateurs, ce que l’absence de droits (avant la mise des logiciels sous licence GPL) autorisait [12]. Pour que les choses soient tout à fait claires (le fait que pour rendre un logiciel « libre » – et donc le transformer en un commun relevant du domaine public protégé – il doit être couvert par des droits de propriété,) Stallman précise encore :

To copyleft a program we fisrt state that it is copyrighted (je souligne- BC) ; then we add distribution terms which are a legal instrument that gives every one the rights to use, modify, and redistribute the programs code or any program delivered from it, but only if the distribution terms are unchanged » (Stallman, 2002, p. 82).

Peut-on être plus clair ?

Là est la puissance du commun, il apporte une réponse à l’extension sans freins de l’idéologie propriétaire et de sa crise, typiques de l’offensive néolibérale, en portant le fer en son cœur même : les droits de propriété. Le commun, comme le « libre », chacun à leur manière mais souvent de manière complémentaire, apportent des formules capables de subvertir le droit de propriété conçu et appliqué comme exclusif, pour en faire du droit partagé, du droit distribué, et quelquefois du droit « communal », au sens d’un droit appartenant à une communauté et dont chacun des membres a (différents aspects) de la « jouissance. »

Ainsi, les communs d’aujourd’hui (dans les sociétés occidentales, essentiellement de nature informationnelle…) sont les héritiers des luttes contre les enclosures physiques du passé. Ils sont le produit direct des combats menés contre les enclosures de la pensée et de la création, constitués par des « droits de propriété intellectuelle » nouveaux ou l’expansion et le durcissement de ceux qui préexistaient déjà. Au demeurant, depuis son origine, le mouvement des communs est consubstantiel à sa relation et à son affrontement avec l’érection de droits de propriété exclusifs visant à les abolir.

Thèse 4 : Commun(s), biens communs, domaine public… : des réalités qu’il faut soigneusement distinguer

Existent et coexistent des catégories très distinctes de « communs ». L’urgence est de spécifier ces différences et de chacune des dynamiques qui les anime et les sous-tend.

À côté des communs institutionnellement constitués (et donc « réellement existants », définis par les trois constituants présentés plus haut, cf. thèse 3) il existe différentes types de ressources matérielles (eau, air, océans...) ou immatérielles (connaissance, santé...) qui sont, depuis des temps plus ou moins reculés, objets de luttes et de revendications pour les soustraire : i) à l’absence de toute effectivité de la préservation de leur qualité de « bien publics » ; ii) au risque et au danger que fait peser leur appropriation par des acteurs singuliers poursuivant des buts « égoïstes ».

Il s’agit là, selon nous, non de « communs » au sens propre (pas de gouvernance capable de garantir l’effectivité (enforcement des droits) mais de « biens communs » au sens ou une jouissance partagée (mais non protégée) est possible.

Le point important est que dans la plupart des cas, derrière ces « biens communs » (au sens que nous venons de donner à ce terme), sont à l’œuvre des communautés constituées d’acteurs variés (personnes physiques, associations, ONG et même quelquefois entités administratives : mairies, communautés de communes…). Ces communautés, qui luttent pour donner un statut de commun véritable (c’est-à-dire garanti et protégé, se reproduisant comme tel), à toutes sortes de biens, sont inégalement structurées et efficaces. Surtout, elles sont confrontées à des problèmes de natures très différentes, suivant les questions qu’il faut affronter et résoudre pour assurer le principe d’inclusion ou de préservation et en définitive le statut « public » du bien considéré. (« Public » est pris au sens de bien en accès ouvert et partagé, bien dont le principe de jouissance partagée est assuré, et non dans le sens administratif de biens publics dans le sens économique étroit : biens à l’origine d’externalités).

Il faut ici être très clair : si, dans certains cas, les ressources apportées par la révolution des communs se montreront sans doute décisives (et permettront que ces biens puissent finalement se transformer en « communs » véritables), dans d’autres cas, elles ne constitueront qu’une partie de la solution (celle-ci passera alors, outre l’action de vigilance des communautés sur le bien, par de l’action publique  : taxation, mise à disposition de ressources gratuites ou payantes, mesures de surveillance et de police, utilisation de l’appareil judiciaire…). Dans d’autres cas encore (l’éducation paraît ici l’exemple le plus probant), c’est le statut « administratif » de bien public qu’il faudra conserver (et souvent rénover) pour garantir l’accès le plus large et le respect du principe d’équité. Dans tous ces cas, ce n’est certes pas le fait que l’action des communautés s’insère dans un « agir commun » qui garantira le moindre succès. L’intentionnalité, si elle peut jouer un rôle, n’est pas pour grand-chose dans ce qui pourra finalement être obtenu. L’histoire (notamment celle du mouvement socialiste ou communiste) est jalonnée « d’agir(s) commun(s) » qui se sont traduits par des défaites cinglantes, ou, pire encore, par des solutions qui ont finalement permis le monopole par des minorités du bénéfice des ressources prétendument mises en commun. Il n’y a aucune raison de penser qu’aujourd’hui « l’agir commun », s’il n’est pas explicitement référé à des objectifs de construction de communs dûment spécifiés (et donc de répartition des droits et de formes de gouvernance appropriées), préviendrait ses promoteurs des mêmes échecs et déboires.

***

Le dernier mot sera pour rappeler que, si les communs sont si importants, c’est qu’ils contiennent en germe et en actes, à travers des formes sociales renouvelées, une partie des solutions après lesquelles court le mouvement post-communiste (disons, pour faire vite, d’après le mur de Berlin…). Analyser ces solutions, évaluer la possibilité de les étendre et de les généraliser, de les modifier pour les adapter à des situations spécifiques, repérer les obstacles qui se dressent sur ce chemin et envisager les moyens de les surmonter : là est la tâche, là est le programme que dessine l’étude des communs. Sur des points vitaux, notre avenir dépend des réponses apportées.

Références

Notes

[1J’ai en effet dirigé sur ce sujet une ANR qui s’est étendue sur 42 mois. On trouvera, 26 documents de travail en accès libre, issus du travail effectué dans le cadre de cette recherche. De même un dossier spécial de la Revue de la Régulation sur le thème « Autour d’Ostrom : Communs, droits de propriété et institutionnalisme méthodologique » (largement issu de cette recherche). Enfin, indiquons qu’un ouvrage sur le thème des communs sera publié aux éditions LLL en 2015.

[2Les remarques critiques que je serai amené à formuler au cours de ce texte sont basées sur les publications aujourd’hui disponibles de ces auteurs (décembre 2014).

[3D’Ostrom, on se réfèrera surtout à Ostrom, (2010) qui reste son ouvrage-maître. Mais pour de multiples raisons (j’y reviendrai), l’article co-écrit avec Schlager : Schlager et Ostrom (2012) est clé.

[4Des centaines d’articles sur les communs (consultables par grands thèmes) sont disponibles sur la base Digital Library of the Commons à l’adresse.

[5Sur cet aspect des choses, outre Stallman (2002), on consultera avec profit S. Broca, (2013) ainsi que P. A Mangolte (2013). Sur la notion « d’enclosure intellectuelle, » présentée comme poursuite des « enclosures » foncières, voir Boyle (2013) et (2008).

[6J’ai établi et longuement justifié cette définition dans Coriat (2011).

[7La notion de commoner(s) qui n’a pas d’équivalent en français, désigne tous les acteurs participant à la vie d’un commun (individus, comme acteurs collectifs). Derrière et autour d’un commun il y a toujours et nécessairement une communauté d’acteurs. Ceux-ci constituent les commoners.

[8En effet tous les communs, loin de là, ne sont pas d’accès universel. Ils peuvent ne regrouper que des communautés limitées (les riverains d’un lac qui se partagent des droits de pêche, et se soumettent à des règles, notamment pour protéger à long terme la reproduction des ressources halieutiques).

[9La discussion (et la critique) des thèses de Hardin est proposée par Ostrom (1990). Dans Coriat (2013) j’ai rappelé comment le retour des thèses sur les communs et la critique de Hardin, sont inséparables d’une discussion sur les droits de propriété, qui, dans les années 1970, a alors repris avec vigueur, tant dans la théorie économique qu’au sein des grandes organisations internationales (ONU, Banque mondiale…).

[10Cette caractérisation des communs et du rôle qu’y tiennent les « faisceaux de droits » a d’abord été introduite en 1992 dans l’article de Schlager et Ostrom (1992).

Sur ce point cf. notre article Coriat (2011). Pour un approfondissement de cette notion, de son histoire au sein de la tradition juridique américaine et de la signification de sa reprise par Ostrom, voir Orsi (2013). Rappelons ici seulement que, à propos du cas de pêcheries, Ostrom et Schlager distinguent cinq types de droits : d’accès (à la ressource : le lac, la façade maritime), de prélèvement (dans le stock halieutique), de management (de la ressource, donc de modification des règles d’accès et de prélèvement si nécessaire), d’exclusion (des tiers ou des commoners qui ont manqué aux règles), et enfin d’aliénation (c’est-à-dire de cession à des tiers). Ce faisceau de droits, qui correspond à celui des pêcheries analysées dans l’article n’est aucunement le seul possible. D’autres communs peuvent être basés sur d’autres faisceaux de droits. Mais si ceux ne sont pas explicités, reconnus et garantis, le « commun » cesse d’exister comme tel.

[11Dans un travail commun avec S. Broca, nous avons entrepris l’étude de la rencontre des « communs » et du « libre » et commencé à montrer les points communs comme les spécificités de chacun de ces mouvements. Cf. S. Broca, B. Coriat (2014).

[12Ce qui est vrai de la combinaison licence GPL+copyleft, qui crée du domaine public protégé et inviolable ne l’est pas pour d’autres licences ou combinaisons de licences. Ainsi assiste-t-on aujourd’hui même à l’initiative de Yahoo de « vendre » les photos du stock Flickr, mises sous licence Creative Commons, mais non assorties de la clause d’interdiction d’usage commercial. Cf. « Flickr is about to sell off your Creative Commons photos », Dazed. D’où l’on voit toute l’importance des statuts juridiques et de la nature des droits de propriété, qui, suivant les cas, permettent ou non de garantir complètement le créateur tout en créant (ou non) du domaine public. Merci à H. Le Crosnier qui a le premier attiré l’attention sur cette tension (entre Flickr et Yahoo) et a commencé à la documenter.

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