Termes de référence de la Commission pour la vérité sur la dette grecque

Par la Commission pour la vérité sur la dette grecque
mardi 4 août 2015, par Eric Toussaint *

Depuis mai 2010, la Grèce poursuit un programme d’ajustement macroéconomique qui constitue une condition d’accès aux prêts du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne et qui vise à participer à la réduction de son déficit budgétaire. Les mesures qui composent ce programme ont pour vocation, en principe, de ramener le déficit budgétaire et la dette publique du pays à un niveau soutenable. Elles se traduisent par une réduction massive des dépenses publiques, par des suppressions de postes dans le secteur public, par une augmentation des impôts, par des privatisations et des réformes structurelles. Cependant, ces mesures, tant recommandées par les instances internationales, ont plongé l’économie grecque dans une profonde récession (la plus longue en Europe en temps de paix), elles ont poussé des millions de Grecs dans la pauvreté, le chômage et l’exclusion sociale, le tout en entravant brutalement l’exercice des droits humains, en particulier les droits économiques et sociaux, ainsi que le fonctionnement des services publics et des infrastructures (dans l’ensemble du pays, des écoles, des hôpitaux, des tribunaux ont été fermés ou fusionnés afin de réaliser des coupes dans les dépenses publiques).

Origines

Depuis mai 2010, la Grèce poursuit un programme d’ajustement macroéconomique qui constitue une condition d’accès aux prêts du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne et qui vise à participer à la réduction de son déficit budgétaire. Les mesures qui composent ce programme ont pour vocation, en principe, de ramener le déficit budgétaire et la dette publique du pays à un niveau soutenable. Elles se traduisent par une réduction massive des dépenses publiques, par des suppressions de postes dans le secteur public, par une augmentation des impôts, par des privatisations et des réformes structurelles. Cependant, ces mesures, tant recommandées par les instances internationales, ont plongé l’économie grecque dans une profonde récession (la plus longue en Europe en temps de paix), elles ont poussé des millions de Grecs dans la pauvreté, le chômage et l’exclusion sociale, le tout en entravant brutalement l’exercice des droits humains, en particulier les droits économiques et sociaux, ainsi que le fonctionnement des services publics et des infrastructures (dans l’ensemble du pays, des écoles, des hôpitaux, des tribunaux ont été fermés ou fusionnés afin de réaliser des coupes dans les dépenses publiques).

En réponse à cette situation, et dans le cadre de la responsabilité du Parlement envers le peuple grec, la présidente du Parlement hellénique a décidé, le 4 avril 2015, de mettre en place une Commission spéciale du Parlement grec, qui a pour mission de faire la lumière sur l’apparition et l’augmentation de la dette publique, de mettre en œuvre un audit de la dette et de promouvoir la coopération entre le Parlement grec, le Parlement européen, les Parlements d’autres États et les organisations internationales autour des questions relatives à la dette, dans le but de répondre aux problématiques juridiques, sociales et économiques qui se posent, et de sensibiliser le peuple grec, la communauté internationale et l’opinion publique internationale (« La Commission pour la vérité sur la dette publique »).

Cette décision a été prise conformément aux articles 49, 162§.4 et 5 et 162A du règlement du Parlement hellénique (Journal officiel, Section du Parlement, 106/A/87) et les articles 98 et 164F du Règlement du Parlement hellénique (Journal officiel, section du Parlement, 51/ A/1997). Cette décision est également conforme au règlement (UE) n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière. La décision est également conforme aux principes directeurs des Nations unies relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme, adoptés par le Conseil des droits de l’homme en juillet 2012 (A/HRC/20/23).

Le paragraphe 9 de l’article 7 du Règlement (UE) n° 472/2013 enjoint à un État membre soumis à un programme d’ajustement macroéconomique de « réaliser un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité ».

Les principes directeurs des Nations unies relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme demandent aux États d’entreprendre des audits périodiques de leur endettement public afin de garantir la transparence et la responsabilité dans la gestion de leurs ressources et d’aviser toute décision future d’endettement.

Objectif

L’objectif général de l’audit assuré par la Commission est d’examiner la nature et l’étendue de la dette publique nationale, de même que le processus d’apparition et/ou d’accumulation de l’endettement. Il lui sera également dévolu d’étudier l’impact des coupes budgétaires et des réformes des services publics, des programmes et des prestations sociales sur les droits humains et sur le bien-être de l’ensemble de la population vivant en Grèce. L’objectif étant, in fine, d’identifier la partie ou proportion de la dette publique qui pourrait être considérée comme illégitime, illégale, odieuse ou insoutenable. Les périodes visées sont à la fois la « période des mémorandums », à savoir de mai 2010 à janvier 2015, et celle s’étalant de 1990 à 2010. L’audit vise également à améliorer la transparence et la responsabilité dans la gestion des finances publiques nationales, à formuler des arguments et des requêtes concernant l’annulation de la dette publique et à garantir que de futures décisions d’emprunts puissent être adoptées sur la base d’un consentement avisé.

Composition

La Commission sera composée de membres internationaux et nationaux disposant d’une compétence reconnue ou d’une expertise ou d’une expérience en matière d’audit de dette publique, de protection des droits humains et de transparence, ainsi que de représentants des mouvements sociaux y afférents.

Les membres de la Commission seront désignés par la présidente du Parlement hellénique et ne recevront aucune rémunération pour leur travail.

Étendue des travaux

Dans la mise en œuvre de l’audit, la Commission portera une attention particulière aux accords, contrats et autres moyens au travers desquels la dette s’est créée, les prêts garantis et leurs échéances fixées, cela afin de :

  • déterminer si des irrégularités, violations de la Constitution ou de la loi et/ou des malversations se sont produites concernant la contractation et/ou l’augmentation de la dette publique ;
  • examiner les circonstances dans lesquelles la dette publique grecque a augmenté durant la période 1990-2010 ;
  • examiner les circonstances dans lesquelles les mémorandums de mai 2010 et de mai 2012 ont été conclus ;
  • déterminer si et, le cas échéant, quelle partie de la dette publique peut être jugée comme illégitime, illégale, odieuse ou insoutenable ;
  • évaluer l’impact des conditionnalités des programmes d’ajustement économique sur les droits humains et le bien-être de l’ensemble de la population vivant en Grèce.

Calendrier

Les travaux de la Commission ont été inaugurés à l’occasion d’une session publique de quatre jours au Parlement hellénique. Une invitation ouverte a également été lancée afin d’élargir l’accès de la Commission à d’autres membres que ceux ayant participé à la session inaugurale. La structure initiale des groupes de travail et les modalités de collaboration furent débattues durant une session à huis clos, le 7 avril 2015. Les critères du travail d’audit ont été établis et la mise en place du mandat de la Commission commencera officiellement avec la seconde réunion de ses membres du 4 ou 7 mai 2015. La Commission continuera son travail durant la période nécessaire à la réalisation de son mandat. La présidente du Parlement hellénique peut délimiter des échéances indicatives ou contraignantes au regard de certains aspects des recherches. Au terme de ses travaux, la Commission présentera un rapport écrit à la Présidente. Le rapport inclura une note de synthèse qui devra être suffisamment explicite et contenir un résumé des résultats, conclusions et recommandations. Le Comité présentera ses résultats préliminaires en juin 2015.

Définition des termes

Dette illégitime

Dette que le débiteur ne peut être contraint de rembourser du fait que le prêt, les titres financiers, la garantie ou les termes et conditions attachés au prêt sont contraires au droit (aussi bien national qu’international) ou à l’intérêt général ; ou parce que ces termes et conditions sont manifestement injustes, excessifs, abusifs ou inacceptables d’une quelconque manière ; ou encore parce que les conditions attachées au prêt, à sa garantie contiennent des mesures politiques qui violent les lois nationales ou les standards en matière de droits humains ; ou in fine car le prêt ou sa garantie ne sont pas utilisés au profit de la population ou que la dette est le produit d’une transformation de dette privée (ou commerciale) en une dette publique sous la pression des créanciers.

Dette illégale

Dette pour laquelle les procédures légales en vigueur (incluant celles qui concernent l’autorité pour ratifier les prêts ou approuver les prêts ou les garanties par l’organisme ou les organismes représentatifs du gouvernement de l’État débiteur) n’ont pas été respectées, ou dette qui implique une faute grave de la part du créancier (cf. recours à la corruption, à la menace ou à l’abus d’influence) ; il peut s’agir également d’une dette contractée en violation du droit national ou international ou qui contient des conditions contraires au droit international ou à l’intérêt général.

Dette odieuse

Dette qui a été contractée en violation des principes démocratiques (ce qui comprend l’assentiment, la participation, la transparence et la responsabilité) et a été employée contre les plus hauts intérêts de la population de l’État débiteur, ou dette qui est excessive et a pour conséquence de dénier les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de la population ; le créancier savait ou était en mesure de savoir ce qui précède.

Dette insoutenable

Dette qui ne peut être honorée sans attenter gravement à l’aptitude ou la capacité de l’État débiteur à assurer ses obligations en matière de droits humains fondamentaux, comme ceux relevant du domaine de l’éducation, de l’eau, des soins de santé, de la fourniture de logements décents, ou à investir dans les infrastructures publiques et les programmes nécessaires au développement économique et social, ou encore, dette dont le remboursement entraînera des conséquences préjudiciables pour la population de l’État débiteur (ce qui inclut une détérioration de ses standards de vie). Une telle dette est remboursable mais son paiement devra être suspendu pour permettre à l’État d’assumer ses responsabilités en matière de droits humains.

Traduit de l’anglais par Romain Pasteger, Jérémie Cravatte et Raphaël Goncalves Alves

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